20 septembre, 2024
Le FCFA, principal obstacle du développement des pays africains

Le FCFA est une monnaie largement utilisée dans les États francophones de l’Ouest et du Centre de l’Afrique depuis 1945. Agent de croissance et de stabilité économique selon ses instigateurs, il est jugé à contrario comme le principal joug de sous développement des pays africains de ces zones par de nombreux observateurs tant africains qu’ étrangers. Zoom sur le FCFA, ses avantages et inconvénients dans les pays où elle est la devise principale.

Le FCFA, une monnaie coloniale

La création du FCFA remonte officiellement au 26 Décembre 1945, date à laquelle la France, puissance coloniale a ratifié les accords de Bretton Woods et effectua sa première déclaration de parité au Fonds Monétaire International (FMI). Il était dénommé Franc des Colonies Françaises d’Afrique et arrimé au Franc Français. Au tournant des independances, il deviendra le Franc des Communautés Françaises d’Afrique. En effet, il etait créé dans le but de maîtriser le flux des capitaux en circulation et rationaliser l’émission de monnaies dans les colonies françaises.

Le fonctionnement du système monétaire du FCFA

La monnaie est frappée à Chamalière en France, sous l’autorité directe de la Banque de France. Elle est émise par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dont le siège est à Abidjan, en Côte d’Ivoire dans l’espace UEMOA d’une part. D’autre part, la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) siegeant à Yaoundé, au Cameroun en a la responsabilité dans la zone CEMAC . Il en ressort deux différentes composantes de la même monnaie, non interchangeables entre les 2 zones. Les États ouest-africains parlent de Franc de la Communauté Française d’Afrique tandis qu’en Afrique Centrale, il signifie le Franc de la Coopération Française d’Afrique.

Le Conseil d’Administration de ces deux structures diffèrent aussi. 13 administrateurs pour le BEAC contre 16 au sein de la BCEAO dont la présence obligatoire d’administrateurs délégués de la France au sein de chacune de ces institutions qui usent d’un droit de véto dans la prise de décisions.
Certains principes encadrent cette pseudo collaboration paternaliste entre la France et ses ex-colonies à savoir :

  • le Trésor public français garantit la convertibilité illimitée au Franc CFA. Ainsi, il est arrimé à l’Euro sous la responsabilité de la Banque Centrale Européenne (BCE);
  • la parité est fixe vis à vis de l’Euro et les pays africains doivent déposer 50% de leurs réserves auprès du Trésor Français dans un compte appelé compte d’opérations;
  • il est administré par la BCEAO et la BEAC et transférable partout dans le monde.
    Avantages du Franc CFA

Le principal avantage du FCFA réside dans la stabilité dont il fait preuve dû à la parité fixe avec l’Euro. En raison de ce lien, il est crédible, gage de sécurité et de sérénité. Il remplit les 3 critères d’une monnaie: payer, compter et faire des réserves. Il accroit les échanges avec la zone européenne et c’est donc plus facile aux investisseurs étrangers de venir investir dans les zones CFA sans crainte de fortes fluctuations. Il est à noter que cette monnaie résiste au mieux aux différents aléas économiques. Le dernier en date est l’inflation issue de la crise de la COVID 19, à en croire certains spécialistes comme le malien Modibo Mao Makalou dans le quotidien l’Economiste.

En outre, le FCFA est un outil d’intégration et de développement commun entre plusieurs Etats d’une même zone. Un levier de commerce intérieur entre les États et transférable partout dans le monde.
Il est aussi un frein pour les fièvres incessantes de dévaluation. Sa gestion rigoureuse empêche une expansion incontrôlée de liquidités au vu de la largesse des territoires en jeu. Il s’ensuit donc une absence des tensions inflationnistes comme ce fut le cas au Zaïre et récemment au Zimbabwe qui enregistra en 2021 un taux d’inflation de 98,5%.
En contraste à ces avantages, se présentent une panoplie d’inconvénients qui constituent de sérieux obstacles au développement des nations francophones africaines.

Les inconvénients du Franc CFA

Depuis le gouvernement Vichy, en passant par l’administration De Gaulle, la politique française à l’égard de ces pays africains demeure inchangée. Le paternalisme est à son paroxysme. La France et les nations européennes se servent de la monnaie pour contrôler les pays africains.

Le FCFA est une monnaie coloniale, on ne peut le nier. La métropole dispose par ses délégués administrateurs, d’un droit de véto sur toutes les décisions prises au sein de la BCEAO et de la BEAC n’allant pas de concert avec les agendas sournois de l’élite franç-africaine. Ces deux institutions n’ont pas la coudée franche comme on nous le ferait croire. Leur indépendance n’est que sur papier. La souveraineté de cette monnaie est remise en question.

Nicolas NORMAND, ancien diplomate français et ambassadeur dans plusieurs pays africains l’affirme en ces termes :

le FCFA est une erreur pour la France, d’avoir perpétuer un système, qui est une boîte à fantôme d’une certaine manière, parce que l’idée que la France dominerait l’économie des pays de ces zones à travers la monnaie.

Dans ces conditions, comment ces États pourront utiliser leur monnaie pour faire apprécier le prix de leurs exportations sur le marché?

Parlant de stabilité, il est à souligner que la monnaie seule n’est pas déterminante de la croissance économique. Sinon comment comprendre que le Ghana a une formidable croissance économique bien que naviguant dans une spirale inflationniste de 53,6% en Janvier 2023.

Ensuite, la stabilité tant affichée cache la dépendance de l’économie de ces zones vis à vis de l’Europe. Essentiellement exportateurs sur le marché international, les pays de la zone FCFA subissent beaucoup les fluctuations que connaît l’Euro. Conséquence néfaste surtout quand l’Euro est fort sur le marché boursier puis entraîne le FCFA par ricochet. Cette relation Madame-Monsieur des deux monnaies une fois mise en branle, ressemble au cas de la Grèce et rappelle aux esprits avisés, la règle qu’une économie faible qui a une monnaie forte se confronte à des ajustements insoutenables.

Par ailleurs, la réquisition de 50% des avoirs de ces pays par le Trésor Publics français les privent de capitaux disponibles à investir. Ils sont obligés de recourir aux institutions du Bretton Woods (Banque Mondiale, FMI etc) pour acquérir des prêts taillés sur mesure, non en fonction de leurs besoins réels de développement mais sur la base de leurs exportations. Un chantage qui ne profite qu’aux États occidentaux.

L’intégration intercommunautaire espérée est un leurre. Il y a en réalité un faible taux d’échange communautaire entre ces pays de l’ordre de 10 -15% du PIB régional. Kako Nubukpo, s’inspirant de l’analyse de Christian Boissieu, ancien président délégué du Conseil d’Analyse Économique du gouvernement français, estime :

De fait, l’extraversion réelle des économies de L’UEMOA rend quasiment sans intérêt, le fait de partager la même monnaie en l’occurrence le FCFA.

Somme toute, le FCFA est un parjure. Un déni de souveraineté. D’aucuns s’érigent en grands analystes et défenseurs. Les africains prennent-ils réellement conscience des enjeux? Depuis un lustre, les ouest-africains, sans distinction se sont donnés parole pour la création d’une monnaie commune : ECO. Mais force est de constater qu’à la fin du bail de 75 ans depuis la fin de la seconde guerre mondiale, cette mesure peine à se concrétiser. Le comble est que la France s’adjuge la paternité d’une telle monnaie et présente déjà les clauses de création.

Face à la contestation et le rejet de la France sur le continent, Macron et Ouattara se précipitaient en Février 2021 devant les caméras pour annoncer la mort du FCFA et la venue prochaine d’une ECO sous égide francophile. Une annonce de l’axe Abidjan-Paris qui sabote le projet initial décidé à l’unanimité par la CEDEAO. À quoi joue l’Elysée? Jusqu’à maintenant, les billets du FCFA circulent encore dans les pays africains, signe d’une entente politique fragile et des tractations diaboliques françaises. Comme quoi, les choses ne sont pas prêtes à changer de sitôt.

Auteur de l'article :


Gérard KOUDADJE
gerardrid01@gmail.com Idéaliste passionné d'écriture, d'émergence, panafricaniste dans l'âme et de réveil de la conscience de la jeunesse africaine.

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