10 novembre, 2024
La réforme du système partisan Béninois: une entreprise inachevée

En novembre 2019, l’Assemblée nationale béninoise a voté pour adopter trois lois qui modifient respectivement la constitution du pays, sa charte des partis politiques et son code électoral. 

La composante de la réforme

  • Loi n°2019 – 41 du 15 novembre 2019 modifiant et complétant la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin ;

Les acquis de la réforme du système partisan

L’adoption de ces trois lois constitue une réforme majeure dans la construction de la démocratie béninoise restaurée à la suite de l’historique conférence des forces vives de la nation de février 1989. Cette réforme a entre autres choses mise en place une discrimination positive à l’égard des femmes instituant que sur les 109 sièges de députés à l’Assemblée nationale 24 soit 22% des sièges soient accordés aux femmes. (Article 144 du code électoral). La réforme exige également que tout parti ait au moins 10% des voix exprimées sur le territoire national avant de pouvoir bénéficier de l’attribution des sièges (Article 146 du code électoral).  Il est aussi institué un plafonnement des dépenses de campagne électorale à effectuer par les candidats (Article 97 du code électoral). 

Fondements historiques de la réforme

En effet, l’instauration du multiculturalisme intégral au Bénin a eu pour entre autres conséquences la prolifération, la courte durée de vie, l’émiettement, la faiblesse et l’inefficacité des partis politiques. Pendant plus de deux décennies de démocratie, aucun parti politique béninois n’a pu réellement conquérir le pouvoir par lui-même et l’exercer. C’est généralement des personnalités apolitiques qui ne font pas partie de ces partis politiques qui arrivent à les fédérer autour de leur vision politique pour faire d’eux une coalition électorale. Mais une fois, les élections présidentielles passées, le nouveau président élu éprouve immédiatement le besoin de créer sa propre formation politique pour avoir au sein du parlement un soutien pour ses actions et sa politique. De plus, le nouveau parti qui est créé ne dure que le temps de règne du chef de l’État qui a œuvré pour sa création.

La démocratie n’étant pas en elle-même une fin en soi mais étant justifiée par la nécessité d’avoir « un système de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », il fallait trouver une solution concrète à cette situation. Cet état de chose conduisait à une plus grande insatisfaction générale des citoyens et des électeurs à l’égard de la classe politique et risquait sur le long terme d’enlever au système démocratique béninois toute sa légitimité.

Trouver le moyen d’avoir des partis politiques forts, représentatifs au niveau national, animés par des courants d’idées, enracinés dans les masses et proches des réels préoccupations des électeurs auxquels ils sont censés être redevables était une question essentielle qui a toujours existée au sein à la fois de la classe politique et de la société civile au Bénin.

Par conséquent, la décision de la classe politique de procéder à la modification de la Constitution du 11 décembre 1990, de la charte des partis politiques et du code électoral était la bienvenue en dépit de la forte réticence d’une partie de l’opposition proche des anciens présidents Boni Yayi et Nicéphore Soglo.

Problèmes posés par la réforme

Toutefois, à sa mise en œuvre, la réforme pose des problèmes. La mise en place de partis de masse qui soient proches des préoccupations des citoyens et aient en leur sein différents courants de pensées exige que le déterminant des choix chez les électeurs ne soit plus l’argent.  

L’argent en politique pose au moins deux problèmes majeurs : d’une part, il peut être utilisé pour influencer le choix des candidats à la candidature au sein des partis et d’autre part, il peut servir à payer les votes des électeurs.

L’obligation faite aux candidats d’avoir au moins 10% du nombre de parrains que sont les élus locaux et les députés ne peut que conduire à des marchandages de toute sorte où les préoccupations des citoyens et des électeurs seront reléguées au second plan. 

La réforme devrait normalement rendre les partis politiques indépendants de l’influence de l’argent. 33% de la population béninoise vivant au-dessous de la pauvreté et 65,5% étant analphabètes, il sera loisible à toute force d’argent de manipuler aussi bien la grande masse que les élus locaux et les députés avec le système de parrainage.

Par contre, le choix des candidats à la candidature au sein des partis politiques devrait être décidé par leurs militants au cours de primaires permettant une confrontation directe entre les différents courants d’idées qu’ils contiennent.

De même, l’exploitation qui pourrait être faite de l’exigence des quitus fiscaux pour exclure des candidats constitue un problème.

Tous ces différents problèmes demandent que la classe politique engage un dialogue sérieux et responsable pour améliorer cette réforme de façon à prévenir à notre pays la répétition des crises électorales qui, si elles persistent, ne peuvent qu’être suicidaires à la démocratie béninoise.

Auteur de l'article :


Alfred Cossi CHODATON
alf2chod@gmail.com Diplômé en sciences et technologies de l'information documentaire, il est un écrivain et analyste indépendant.

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