3 novembre, 2024
Politique Ivoirienne: La Côte d’Ivoire ou l’éternel recommencement

NOUS SOMMES À LA FIN DE L’ANNÉE 2019. IL SEMBLE QUE BEAUCOUP DE CHOSES ONT CHANGÉ EN AFRIQUE. MAIS LA FAÇON DONT LA CÔTE D’IVOIRE VIT N’A PAS CHANGÉ. IL Y A QUELQUES JOURS, L’EX-PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE S’EST VU REFUSER L’ACCÈS À SON PAYS D’ORIGINE. QUE CHACUN SOIT RASSURÉ QUE JE NE SUIS PAS UN PARTISAN DE GUILLAUME SORO. JE NE DÉFENDS PAS SA PERSONNE CAR CET HOMME A PARTICIPÉ D’UNE FAÇON OU D’UNE AUTRE, À CE SYSTÈME DE GOUVERNANCE EN CÔTE D’IVOIRE QUI EST FONDÉE SUR LES AMITIÉS AVEC PARIS, L’USAGE DE LA FORCE ET DE LA PUISSANCE DE L’ARGENT POUR ÉCARTER SES RIVAUX POUR MONTER AU POUVOIR OU S’Y MAINTENIR. C’EST POURQUOI JE N’AI AUCUNE SYMPATHIE POUR CE MONSIEUR. MAIS TOUTEFOIS, SON SORT REND COMPTE DU FAIT QU’EN CÔTE D’IVOIRE, IL N’Y A PAS UNE ÉVOLUTION DANS LA BONNE DIRECTION.

Au début, c’était Félix Houphouët-Boigny. Contrairement aux panafricanistes qui prônaient l’unité et la renaissance africaine, Houphouët-Boigny avait choisi une étroite collaboration avec les puissances occidentales et la France contre ses frères africains. Selon les archives, Houphouët-Boigny, ami très proche de Jacques Foccart, était une figure centrale de la FrançAfrique. Il sait beaucoup de choses sur les conspirations respectives qui chassa Kwamé N’Krumah du pouvoir en 1966, a failli renverser Mathieu Kérékou en 1977 et coûta la vie à Thomas Sankara en 1987. Houphouët-Boigny a été l’un des soutiens les plus importants de l’UNITA de Jonas Savimbi, un acteur clé de la guerre civile angolaise ayant coûté la vie à plus 500 000 personnes et ayant duré plus de deux décennies. Houphouët-Boigny a bâti ce qui est appelé le « Miracle ivoirien » sur le dos de la misère des autres pays du continent. La Côte d’Ivoire, en contrepartie de sa collaboration, bénéficiait des capitaux des multinationales occidentales qui ont fait du pays une économie tournée plus vers l’ancienne métropole que vers l’intégration économique régionale. À l’intérieur de la Côte d’Ivoire, l’opposition n’avait aucune chance de se faire entendre. Les opposants d’ Houphouët-Boigny étaient sévèrement réprimés avec toute la bienveillance de la France. Ils n’avaient qu’à agir en clandestinité comme ce fut le cas de Laurent Gbagbo.

La crise qui perdure actuellement en Côte d’Ivoire trouve sa source dans le refus d’Houphouët-Boigny de penser à un dauphin. Il avait l’habitude de dire qu’un roi baoulé ne voit jamais le visage de son successeur avant de mourir. Félix Houphouët-Boigny mourut le 7 décembre 1993, à un moment où la rivalité ouverte entre Henri Konan Bédié, le président de l’Assemblée Nationale et Alassane Dramane Ouattara, le premier ministre faisait rage. Cette rivalité a abouti à la victoire du premier qui devint le successeur de Félix Houphouët-Boigny.

Pour exclure son rival principal de la compétition électorale, Henri Konan Bédié inventa « l’ivoirité » qui lui permit d’être élu le 22 octobre 1995, avec 96,44% des voix. La crise politique issue de cette rivalité entre les deux disciples de Félix Houphouët-Boigny, en plus de la corruption rampante du régime et des difficultés économiques dues à la chute du prix du cacao, amène à un coup d’État militaire le 24 décembre 1999 où Henri Konan Bédié est déposé et le Général Robert Guéï prend le pouvoir. Robert Guéï, un haut gradé de l’armée, avait été écarté pour avoir refusé de prendre parti pour Henri Konan Bédié contre Alassane Dramane Ouattara. Il n’était pas l’auteur de la mutinerie qui a conduit à ce coup d’État mais avait été appelé par les mutins pour mener la transition vers la restauration d’un régime civil.

Mais contre toute attente, le Général a repris l’arme de « l’ivoirité » et le retourna à nouveau contre Alassane Dramane Ouattara. Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara ont été tous deux écartés des élections présidentielles d’octobre 2000. Robert Guéï a interrompu la publication des résultats de ces élections et a voulu voler à Laurent Gbagbo sa victoire. Gbagbo s’autoproclame vainqueur et s’empara du pouvoir.

Mais Laurent Gbagbo n’aura vraiment pas la chance de gouverner toute la Côte d’Ivoire pendant longtemps. Une tentative de coup d’État qui a échoué contre son régime s’est transformée en un mouvement de rébellion soutenue par l’ancien ami commun de Thomas Sankara et de Félix Houphouët-Boigny, Blaise Compaoré et par la France. La rébellion prend le nom de « Forces nouvelles » sous la direction de Guillaume Soro, un ancien leader estudiantin, et contrôle le nord du pays avec base arrière au Burkina-Faso. Dès le début des affrontements dans cette première guerre civile ivoirienne, le Général Guéï est tué avec plusieurs de ses proches. En 2004, les combats se sont calmés mais le pays demeurent divisés entre les forces rebelles et celles loyales à Gbagbo. Ces loyalistes jouissaient du soutien des patriotes ayant pour leader Charles Blé Goudé.

Le pays est demeuré divisé jusqu’aux élections présidentielles du 31 octobre 2010. Alassane Dramane Ouattara est déclaré vainqueur par la CEI et reconnu comme tel par la France. La seconde guerre civile qui suivit a conduit à la capture de Gbagbo et de Charles Blé Goudé envoyés au CPI pour être jugés pour crimes de guerre.

Maintenant la rivalité entre les autres adversaires de Gbagbo se poursuit et le dernier épisode en est ce qui arrive à Guillaume Soro, l’un de ses tombeurs. La crise ivoirienne n’a pas fini de nous édifier. Tout cela se passe en prélude aux élections présidentielles de l’année 2020. Ouattara serait revenu sur sa promesse faite à ses alliés de ne pas briguer un troisième mandat. Et il faut qu’il écarte aussi Soro. Cela fut fait après avoir annoncé l’accord de la France pour la création d’une nouvelle monnaie ouest-africaine. Les réserves de garantie de 50% auprès du Trésor Public français prennent fin. Les représentants français dans les organes de cogérance de la BCEAO se retirent. La nouvelle monnaie est appelée « ECO ». Mais la France continue de garantir la convertibilité de la nouvelle monnaie afin de maintenir ses relations privilégiées entre ses ex-colonies et elle au lieu de donner une chance à une réelle intégration économique de la zone avec cette nouvelle monnaie.

De Félix Houphouët-Boigny à Alassane Dramane Ouattara, la Côte d’Ivoire n’a pas beaucoup changé.

Auteur de l'article :


Alfred Cossi CHODATON
alf2chod@gmail.com Diplômé en sciences et technologies de l'information documentaire, il est un écrivain et analyste indépendant.

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