Synopsis : ce qui est urgent est le projet des États-Unis d’Afrique. L’Intervention militaire périlleuse contre le Niger ne l’est pas. L’Afrique s’est engagée sur le chemin de l’autodestruction dès lors qu’elle a choisi, dans sa grande majorité, l’économie de rente par opposition à l’industrialisation qui passe par l’intégration économique et la véritable souveraineté politique. C’est cette faiblesse économique qui se traduit par une faiblesse politique et institutionnelle qui l’expose aux visées impériales diverses. Si au lieu de tirer leçons de ces erreurs du passé et de revenir au rêve des pères des indépendances africaines qu’est la création des États-Unis d’Afrique, une intervention militaire contre la junte nigérienne est effectuée par la CEDEAO pour faire plaisir aux Occidentaux, la communauté aura montré son inconséquence et aura jeté les bases de sa destruction.
Récemment en réponse à des sanctions américaines qui interdisent le commerce des microprocesseurs avec la Chine, celle-ci a réagi en interdisant l’exportation des minerais rares.
La possible prochaine guerre en Afrique de l’Ouest entre les pays de la CEDEAO au sujet du coup d’État contre Mohamed Bazoum a quelque chose à voir avec la course pour le contrôle des minerais rares dont regorgent le Sahel et ses périphéries.
L’Afrique, en refusant le projet des États-Unis d’Afrique de Kwame Nkrumah, a jeté les bases de son autodestruction car elle est devenue sur le long terme une terre de convoitise des appétits de toute sorte d’impérialismes nés de la crise géopolitique du capitalisme global arrivé à un stade de son développement économique, social et politique où la compétition est inévitable.
Dans cette compétition, l’Occident en général et les États-Unis d’Amérique en particulier utilisent leur domination hégémonique séculaire pour contraindre les pays africains à respecter leurs intérêts sur le continent face à la pression de l’alliance de facto Russo-Chinoise.
Mais le récent coup d’État du jeudi 26 juillet dernier au Niger semble être le point culminant de cette rivalité géopolitique.
Malheureusement, la plupart des dirigeants et la société civile africains ne semblent pas prendre conscience du danger qui est en train de se matérialiser sur le continent africain et qui risque de se transformer en une guerre mondiale généralisée entre l’OTAN et l’alliance Russo-Chinoise.
Aussi, une bonne partie de élite politique et économique africaine préfère s’associer à l’Occident et chante à l’unisson avec lui un nouvel hymne de liberté et de démocratie dont les peuples africains sont, dans la réalité, privés des promesses, depuis des siècles.
Si après la chute du Mur de Berlin en 1989, le vent de la démocratie a commencé à souffler sur le continent, plusieurs régimes autoritaires pro-occidentaux se sont très vite accommodés à cette nouvelle donne mais ont continué d’utiliser les mêmes méthodes répressives pour se maintenir au pouvoir.
D’autres pays plus progressistes ont commencé effectivement à faire l’expérience de la démocratie mais ont été rattrapés très vite par les chaînes du néo-colonialisme. Les chefs d’État africains élus qui n’étaient pas pro-occidentaux ont été renversés un à un. Les cas les plus flagrants ont été celui de Pascal Lissouba du Congo Brazzaville et celui de Mahamadou Ousmane au Niger.
Pascal Lissouba était le premier président congolais démocratique élu et a servi du 31 août 1992 au 25 octobre 1997. Il a été renversé par l’ancien et actuel président Denis Sassou Nguesso lors de la guerre civile de 1997.
Mahamadou Ousmane a été le premier élu démocratiquement et le quatrième président du Niger, servant du 16 avril 1993 jusqu’à ce qu’il soit renversé par un coup d’État militaire le 27 janvier 1996.
Cette période de revers démocratique correspondait au retour de la droite au pouvoir en France à travers le Président Jacques Chirac (1995-2007) qui considérait la démocratie comme étant un « luxe pour l’Afrique ».
À l’époque, personne n’est intervenu contre ces coups d’État tout comme personne n’était intervenu contre les nombreux coups d’État militaires qui ont emporté les héros nationalistes de l’indépendance africaine tels que Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Thomas Sankara et beaucoup d’autres.
Mais depuis le coup d’État du jeudi 26 juillet dernier contre le Mohamed Bazoum, une frénésie s’est emparée de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest, qui, comme son nom l’indique, est une organisation purement économique et non militaire.
Tant que la philosophie ou l’idéologie qui est à l’origine de l’Union Africaine et des autres associations régionales africaines ne se verra pas concrétiser sur le continent, l’Afrique continuera d’errer et d’être à la traîne.
Sur le plan économique, la CEDEAO doit rendre effective la libre circulation des personnes et des biens, renforcer l’intégration économique par une incitation des États à investir dans la production manufacturière des biens dont ils ont respectivement les avantages compétitifs.
Sur le plan politique, la CEDEAO doit proscrire les troisièmes mandats, créer une présidence et un parlement de la communauté qui soient élus par scrutin direct par les peuples ouest-africains, asseoir des normes et des standards de démocratie et du respect des droits humains uniformes au sein des pays de la communauté.
Sur le plan sécuritaire, la CEDEAO devrait créer une armée sous-régionale équipée, formée et outillée pour lutter efficacement contre le terrorisme. À ce sujet, les bases militaires étrangères doivent être fermées définitivement.
Sans ces réformes nécessaires, la maladie de la CEDEAO ne pourra pas être guérie et ne fera que s’aggraver. En effet, une intervention militaire de la CEDEAO au Niger risquera de provoquer sa mort soudaine car la majorité des ouest-africains sont contre cette intervention. De plus, cette intervention militaire peut causer le début d’un affrontement entre États ouest-africains qui pourrait se transformer en une guerre par procuration entre l’OTAN et la Russie. Enfin, il y a aujourd’hui une conscience collective panafricaine qui est exacerbée par l’avènement des réseaux sociaux que la génération montante utilise pour maintenir en vie le rêve des États-Unis d’Afrique. Les dirigeants africains doivent aussi rester attentifs à la réaction de cette génération face à une intervention militaire qu’elle aura perçue comme une guerre fratricide pour le compte des puissances impérialistes occidentales.