Le samedi 16 juillet 2022, dans une conférence intitulée « Après l’Ukraine, quelles leçons maintenant pour le leadership occidental ? », d’après un texte du discours prononcé devant un forum soutenant l’alliance entre les États-Unis et l’Europe, à Ditchley Park Londres, “La guerre en Ukraine montre que la domination de l’Occident touche à sa fin […]” a déclaré l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair.
Alors que les Occidentaux reconnaissent de plus en plus que leur domination séculaire sur le monde pourrait prendre fin avec la guerre russo-ukrainienne, ils croient toujours que la Russie est une puissance en déclin et que la véritable menace à leur hégémonie vient vraiment de la Chine. “Le monde va être au moins bipolaire et peut-être multipolaire”, a-t-il déclaré. “Le plus grand changement géopolitique de ce siècle viendra de la Chine et non de la Russie.”
En 2022, la Chine aura une population massive de 1,41 milliard d’habitants alors que les Russes ne seront que 146 millions. Le PIB chinois en 2020 était de 14,72 billions de dollars tandis que celui de la Russie était de 1,483 billion de dollars la même année. Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1990, l’espérance de vie en Russie a chuté drastiquement et a aggravé la crise démographique dont le pays ne s’est jamais remis depuis la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).
Tout cela indique que la Chine est la plus susceptible de dépasser les États-Unis. Cependant, étant donné la dépendance économique des États-Unis d’Amérique et de la République populaire de Chine l’un envers l’autre, l’un d’eux peut-il vraiment se permettre de combattre ou de défier l’autre sans se faire du mal ?
La Chine est le plus grand partenaire commercial des États-Unis d’Amérique avec un chiffre d’affaires total de 583,3 dollars américains en 2018, suivie de l’Union européenne, avec 573,0 dollars américains. Le Japon est le quatrième alors que la Russie n’est que le douzième partenaire commercial de la Chine avant la guerre en Ukraine. Le commerce des biens et services des États-Unis avec la Chine a totalisé environ 615,2 milliards de dollars en 2020. Les exportations étaient de 164,9 milliards de dollars ; les importations étaient de 450,4 milliards de dollars. Le déficit commercial des biens et services des États-Unis avec la Chine était de 285,5 milliards de dollars en 2020.
Comment la Chine peut-elle alors défier l’hégémonie américaine dont elle bénéficie ? L’hostilité des États-Unis d’Amérique envers la Chine, lorsqu’il s’agit de Taïwan, pourrait rapprocher la Chine et la Russie. Les États-Unis d’Amérique, dans leur quête d’une suprématie permanente sur l’ensemble de l’humanité, estiment que la montée en puissance de la Chine est une menace sérieuse. L’agressivité des États-Unis d’Amérique peut donc être le moteur du rapprochement entre la Russie et la Chine, mais les dirigeants chinois ont su faire preuve de suffisamment de retenue jusqu’à présent malgré les provocations sans précédent venant des États-Unis sur l’éventuelle indépendance de Taïwan ou sur son surarmement en face de la Chine.
La Russie, pour sa part, bien qu’elle soit économiquement moins importante et que les Occidentaux tentent de la présenter comme une “station-service déguisée en pays”, est une puissance en matière de matières premières et de céréales. La Russie est le premier exportateur mondial de gaz, exportant 201,7 milliards de mètres cubes de gaz via des gazoducs en 2021 et 39,6 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL).
Concernant le pétrole, la Russie arrive en deuxième position après l’Arabie Saoudite. En 2020, il représentait 11,6 % des exportations mondiales, totalisant 74,4 milliards de dollars. La production a atteint une moyenne annuelle de 10,5 millions de barils par jour, produits par de grands noms comme Rosneft, Surgutneftegas et Gazprom. Cela représente 11% de la production mondiale de pétrole. La Russie est également le quatrième producteur de céréales au monde.
L’état de l’économie mondiale après les sanctions occidentales contre la Russie témoigne de l’importance du pays dans l’architecture économique du globe. Lorsque la réalité est difficile à reconnaître et à gérer, beaucoup préfèrent se tourner vers l’illusionnisme délirant. Cependant, la politique de l’autruche qui consiste à fermer les yeux sur les situations existantes et à vivre dans un monde fantaisiste ne fait qu’aggraver la douleur.
Le 15 juillet 2022, un certain nombre d’organisations internationales dont l’OMS, la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, l’Organisation Internationale du Commerce, ont émis un avertissement clair concernant la direction que prend le monde si les restrictions économiques connues sous le nom de sanctions contre la Russie sont autorisées à se poursuivre. Mais les grands médias occidentaux, les journalistes et leurs maîtres ont simplement feint de ne pas avoir entendu l’avertissement.
Or, dans un geste d’auto-illusion, l’Union européenne vient de décider d’assouplir ses propres sanctions pour faciliter le commerce alimentaire entre la Russie et le reste du monde. Une telle considération a été faite par l’Union européenne juste un jour après que le vice-président de sa Commission, Josep Borrell, a exhorté les citoyens européens à faire preuve de patience stratégique, car les sanctions, selon lui, auraient mordu en Russie et n’auraient besoin que de temps pour donner des résultats. En conséquence, d’autres sanctions ont été préparées contre la Russie.
Pendant ce temps, la visite officielle de Joe Biden au Royaume d’Arabie Saoudite qui était censée soulager la douleur de la hausse des prix du carburant n’a donné que peu de résultats. Selon RT, “le prix indicatif du pétrole brut Brent sur l’Intercontinental Exchange a dépassé les 106 dollars le baril, soit une augmentation de plus de 5% lundi”. Le FMI a revu ses prévisions de croissance annuelle mondiale en réduisant la perspective de croissance économique internationale de 4,4% à 3,6%.
Cependant, l’idée que pour diriger le monde, un pays doit être la première puissance économie mondiale peut aussi s’avérer être une illusion occidentale. En fait, au cours des siècles précédents, les puissances occidentales ont pu subjuguer d’autres pays non seulement militairement, politiquement, mais aussi économiquement et culturellement. Mais le vingt-unième siècle peut être un changement dans la géopolitique mondiale où pour diriger, il peut ne pas suffire d’être riche ou puissant, il peut devenir nécessaire d’être plus humain et plus juste envers les autres humains. Bien que le Parti communiste chinois ait exprimé à plusieurs reprises son opposition au leadership défaillant et égoïste des États-Unis d’Amérique, il n’a jamais pris le risque de le combattre ou de s’y opposer. Seule la Russie a le courage stratégique de le faire.
Il n’est donc pas totalement impossible pour la Russie de devenir cette alternative nécessaire au leadership occidental dans le monde. Tout dépendra de la fin de la guerre en cours en Ukraine.
