Le week-end dernier, Parakou, la plus grande métropole du nord du Bénin, l’une des places-fortes de l’ancien président béninois, Thomas Boni Yayi, l’a vu être plébiscité président de son parti politique. Ce fut lors d’un congrès de ce parti dénommé Les Démocrates, lequel parti est la seule véritable formation de l’opposition représentée à l’Assemblée nationale. Pendant que les partisans de l’ancien président accueillent ce nouvel avec joie, on est en droit de se demander si ce développement politique est en faveur de la nécessité pour le Bénin d’évoluer vers une démocratie moderne. En effet, l’actualité politique au Bénin court le risque de se résumer aux querelles de personnes entre amis et ennemis de vieilles dates plutôt que de porter sur les préoccupations de fonds qui devraient animer la vie politique béninoise dans un contexte de rivalité géopolitique, d’insécurité dans la sous-région ouest-africaine et de l’aggravation de la pauvreté de masse.
Tout montre que les élections présidentielles de 2026 seront le prochain duel entre l’ancien président Boni Yayi et le Président Patrice Talon. De ce fait, plus que le débat sur les enjeux politiques, économiques et sociaux du pays, c’est la rivalité entre les deux personnalités qui, logiquement, va dominer l’actualité électorale avant et pendant ce scrutin à venir. Cet état de choses n’est pas forcément de nature à aider la maturation de la jeune démocratie béninoise.
Il est vrai qu’aucune des deux personnalités ne peut prétendre être candidat à ces élections présidentielles de 2026. Mais chacune d’elles apprête ses dauphins. Ce à quoi on risque d’assister est un duel par personne interposées pour la conquête du pouvoir.
Les indiscrétions indiquent que le Président Patrice Talon envisagerait pour l’instant un dauphin qui devra être désigné parmi les quatre alliés fidèles que sont Olivier Boko, Johannes Dagnon, Romuald Wadagni et Joseph Djogbénou. Du côté du parti d’opposition Les Démocrates, rien n’est encore clair. Mais les semaines et mois à venir devraient nous éclairer.
Depuis le départ du feu président Mathieu Kérékou du pouvoir en 2006, Boni Yayi d’abord et ensuite Patrice Talon sont les deux personnalités qui dominent la vie politique béninoise. Les deux ont été des amis et des alliés politiques au cours de la majeure partie de la présidence de Boni Yayi (2006-2016) avant de devenir à la fin des adversaires. Il est difficile d’expliquer les raisons de cette opposition viscérale entre les deux anciens amis.
Cette relation d’adversité entretenue par ces deux personnalités avait dégénéré en un affrontement mortel entre les partisans de l’opposition et les forces de l’ordre avant, pendant et après les élections législatives de 2019. Ces élections législatives ont été caractérisées par l’absence de l’opposition qui a été de fait écartée de ce scrutin.
Dès lors, faute d’opposition parlementaire, le Président Patrice Talon a parfaitement réussi à modifier la constitution pour entre autres faire adopter sa réforme du système partisan. Il a pu aussi renouveler à la tête de l’État béninois son mandat qui se termine en 2026. De plus, la mise œuvre des réformes partisans ont consolidé la mainmise de la mouvance présidentielle sur l’Assemblée nationale, mais le parti de l’ancien président a réussi tout de même à obtenir 28 sièges.
Par conséquent, dans ces conditions actuelles où la candidature aux élections présidentielles est subordonnée à l’obtention de 10% des parrainages du collège électoral que sont les députés et les maires, les deux partis favorables au Président Patrice Talon, l’Union Progressiste pour le Renouveau et le Bloc Républicain ainsi que le parti Les Démocrates maintenant présidé par l’ancien président Boni Yayi, sont les seuls qui pourront décider de qui pourra prendre part au scrutin de 2026.
Le Bénin est alors enfermé dans un duel entre Boni Yayi et Patrice Talon. Il s’agit d’un duel qui va occulter les véritables questions d’enjeu national. La lutte contre la déferlante djihadiste est une préoccupation essentielle, car elle menace le pays dans le nord et a déjà déstabilisé la quasi-totalité des pays du Sahel. La présence militaire française au Sahel est vue aussi par la plupart des citoyens de la sous-région ouest-africaine comme faisant partie des facteurs de déstabilisation. L’industrialisation de la sous-région ouest-africaine dans le contexte d’une démographie jeune et dynamique, de manque de financement et d’une faible intégration économique des pays mérite une attention particulière de la classe politique. L’avenir du franc CFA qui est un obstacle à la souveraineté économique des pays est aussi un enjeu capital. Ce sont autant de questions qui devraient être au centre des débats et des réflexions dans la classe politique.
Or, connaissant les orientations politiques que ces deux personnalités politiques les plus influentes ont donné durant plus d’une décennie au Bénin devenu l’un des pays les plus francophiles de la sous-région et tenant compte de leur impact sur ces élections prochaines, il est à craindre que peu de choses puissent changer quant à ces questions d’enjeu national.