8 septembre, 2024
CEDEAO-NIGER : une intervention militaire de tous les dangers

Ceux qui interviennent militairement dans les affaires d’autres ne sont pas ceux qui paient le prix le plus cher de ces interventions. C’est ce qui s’est passé en Libye, en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Dans ces pays, les populations, victimes de la disparition ou de l’affaiblissement de l’Etat, ont subi pendant longtemps et dans certains cas, continuent de subir les abus des groupes armés illicites et non étatiques qui ont occupé le vide. Dans le cas du Niger, une intervention militaire de la CEDEAO, dans un contexte de crise sécuritaire aiguë, ne sera pas différente. Pourtant cette sombre perspective n’empêche pas les soutiens occidentaux de la CEDEAO de continuer à faire pression sur elle pour intervenir militairement au Niger pour chasser la junte qui a arraché le pouvoir à Mohamed Bazoum, le jeudi 26 juillet dernier.

La perméabilité du Nigeria aux pressions occidentales s’explique certainement par le fait que le Président en exercice de la CEDEAO, le chef d’État nigérian Bola Ahmed Tinubu est mis en difficulté par les allégations de fraudes massives qui auraient marqué son élection le 25 février dernier.

Quelques semaines avant le coup d’État du Niger, les ambassadeurs des pays de l’Union européenne ont publié un rapport sur les irrégularités dans les élections présidentielles nigériane qui ont consacré l’avènement de Tinubu.

Ce rapport semblerait-il proposerait des sanctions contre le Nigeria. Les sanctions constituent un argument suffisant pour contraindre un pays dont les difficultés économiques sont déjà grandes à se plier en quatre pour exécuter le bon vouloir des États-Unis d’Amérique et l’Europe européenne.

La situation telle qu’elle est au sujet du Niger indique la forte probabilité d’une intervention militaire sous l’égide de la CEDEAO contre la junte nigérienne. La réunion des chefs d’état major des armées des pays membres à Lagos hier mercredi montre que cette intervention militaire est en préparation très activement. L’armée nigériane serait disposée à se mettre en branle très rapidement si l’ordre est donné par le Président Bola Ahmed Tinubu. Selon l’ultimatum de la CEDEAO, la junte a jusqu’au 6 août pour  remettre le pouvoir à Mohamed Bazoum. 

Dans cette aventure, la Côte d’Ivoire d’Alassane Dramane Ouattara semble également être à l’avant-garde.

Quant à Tchiani qui est le chef de la junte, il a déclaré que les sanctions imposées au Niger par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour les forcer à restaurer la présidence de Bazoum sont illégales et inhumaines. « Rien n’entravera la période intérimaire et la préservation de la souveraineté nationale », a-t-il déclaré. 

La seule véritable incertitude est relative aux réelles capacités ou même à la volonté des Maliens, des Burkinabé et des Guinéens, lesquels sont déjà confrontés aux assauts des groupes djihadistes, à voler au secours de la junte nigérienne.

Les trois pays notamment le Mali et le Burkina-Faso ont indiqué clairement dans un communiqué conjoint qu’ils considéraient toute agression contre le Niger comme une déclaration de guerre à leur égard et se réserveraient le droit de prendre les mesures nécessaires de défense légitime pour y faire face.

Le groupe Wagner dispose aussi d’éléments à Bamako qui appuient le pays dans sa lutte contre les djihadistes au Sahel. Toutefois, sans un accord de Moscou, ces troupes de Wagner ne peuvent pas venir soutenir la junte à Niamey.

La stratégie en train d’être considérée par la CEDEAO serait de créer un pont aérien entre le Nigeria et l’aéroport de Niamey et de prendre le contrôle de la présidence de la république nigérienne afin de réinstaller le président élu Mohamed Bazoum.

La junte militaire nigérienne devra pour contrer ce plan disposer de système de défense anti-aérienne fiable. Les systèmes de défense aérienne russes sont réputés pour être les plus sophistiqués au monde et ont montré leur efficacité dans la guerre Russo-Ukrainienne en cours où l’armée russe est arrivée à prendre contrôle du ciel au-dessus de l’Ukraine.

La possibilité que Moscou autorise le déploiement de tels systèmes de défense anti-aérienne au Niger reste incertaine. Bien qu’ayant condamné le coup d’État contre Mohamed Bazoum, la Russie considère toute intervention militaire au Niger comme un facteur aggravant de la crise sécuritaire au Sahel. L’Algérie, qui a des relations diplomatiques solides avec la Russie, a également exprimé une position similaire. Toutefois, il n’est pas clair si les deux vont apporter un soutien actif au Niger en cas d’une intervention militaire de la CEDEAO au Niger.

La menace de recours à la force contre le Niger n’aidera pas à résoudre le conflit, a indiqué Maria Zakharova. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a ajouté que la Fédération de Russie considère qu’il est extrêmement important d’empêcher la dégradation de la situation au Niger, d’organiser un dialogue national.

Si une telle intervention militaire se transforme en une guerre entre pays africains, elle aura un effet durable sur la situation sécuritaire dans la sous-région menacée par le djihadisme.

Aussi, l’un des scénarios possibles est que cette guerre se transforme en une guerre par procuration entre l’OTAN et l’alliance Russo-Chinoise en Afrique.

Dans le meilleur des scénarios, le président déchu sera réinstallé mais n’aura pas un véritable contrôle sur le reste du pays où les djihadistes vont profiter du désordre pour avancer. Dans le pire des scénarios, l’intervention peut aboutir à des années sinon des décennies d’affrontements meurtriers entre pays ouest-africains. Ça va faire oublier la guerre en Ukraine dont elle sera un prolongement.

Derrière chaque camp, il y aura les puissances étrangères : la Russie et la Chine derrière le Mali, le Burkina-Faso et le Niger et les États-Unis d’Amérique et l’Europe européenne derrière la CEDEAO.

Après cette guerre, aucun État de l’Afrique de l’Ouest ne sera plus assez fort pour avoir le total contrôle de son territoire. Les groupes armés terroristes auraient pris la majeure partie de leur territoire et les multinationales ne seraient que trop contentes de traiter à vils prix avec ces groupes armés terroristes plutôt qu’avec les États.

Ce sera un peu similaire à ce qui s’est passé après la guerre du Golfe 2 et la guerre en Syrie ou comme ce qui se passe en RDC où l’État congolais n’a aucun contrôle sur l’exploitation des ressources dans l’Est du pays.

Auteur de l'article :


Alfred Cossi CHODATON
alf2chod@gmail.com Diplômé en sciences et technologies de l'information documentaire, il est un écrivain et analyste indépendant.

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