« En 2020, le golfe de Guinée est à nouveau apparu comme la région la plus dangereuse au monde pour la navigation. Selon le rapport annuel du Bureau maritime international sur la piraterie, 95 % des détournements ont eu lieu dans cette zone en 2020. Un an plus tard, en 2021, le Golfe a accueilli près de la moitié des détournements d'avions dans le monde et a été la seule région où des membres d'équipage ont eux-mêmes été détournés. Au total, 57 marins ont été enlevés, un chiffre qui a placé la région sous le feu des projecteurs en termes de sécurité et de stabilité. »,
pouvait-on lire dans un article du site Atalayar.com, du 25 Février 2022.
Cette hantise de jour en jour grandissante qui pèse sur les eaux maritimes du Golfe de Guinée s’inscrit dans un enjeu géostratégique international majeur. Quels sont les enjeux de la piraterie dans le Golfe de Guinée ? Qui sont ces fameux pirates qui infestent cette partie de l’Océan Atlantique ? Que font les États pour endiguer ce phénomène ?
Le Golfe de Guinée, un espace géostratégique mondial
Le Golfe de Guinée a une place considérable dans le trafic maritime mondial. Autrefois, abritant des comptoirs, points de départ des navires négriers en partance pour l’Amérique. Cet espace comprend l’ensemble des mers et baies de l’Océan Atlantique du Sud du Sénégal jusqu’à l’Angola.
Cette région est riche en gisements de pétrole et de gaz, mannes financières de nombreux États tels que le Nigéria (premier producteur de pétrole d’Afrique), le Ghana, le Gabon et la Guinée Équatoriale. On estime ce grand dépôt à 24 milliards de barils en réserve soit 4,5 % des réserves mondiales. Ces États y ont installé des plateformes pétrolières et gazières.
Il abrite également, une importante quantité de ressources halieutiques, précisément 1.055.000 tonnes de réserve de poissons.
Dans ses baies, y sont installés de nombreux ports, facilitant le commerce maritime (importation des produits manufacturés de première nécessité et l’exportation des matières premières) entre les pays côtiers et le reste du monde. Ensuite le ravitaillement des pays enclavés à l’intérieur des terres comme le Mali, le Burkina-Faso, le Niger, le Tchad etc.
Cet espace est donc une plaque tournante d’une grande envergure internationale.
Un golfe en proie à la piraterie moderne
Le modus operandi de la piraterie a évolué depuis. Loin des prequels du fameux film à succès hollywoodien Pirates des Caraïbes, la piraterie moderne a un visage sinistre. Ce n’est plus seulement les objets de grande valeur qui sont convoités. Les pirates modernes, lourdement armés, débarquent sur les navires et les plateformes pétrolières, y font du kidnapping des membres de l’équipage contre rançon. Selon le Professeur Fernando Ibañez, cité par Atalyar.com, “Ils enlèvent de plus en plus de marins pour augmenter la rançon qui leur est demandée.
En 2008, ils enlevaient trois personnes sur chaque navire (souvent le capitaine et deux officiers) et obtenaient environ 25 000 dollars par enlèvement. En 2020, ils enlevaient en moyenne plus de six personnes et touchaient 250 000 dollars par enlèvement. Au total, la piraterie leur rapporte environ 2 milliards de dollars par an.
De nombreuses fois, au Nigéria et au Cameroun, ils attaquent les infrastructures pétrolières à l’intérieur des terres.
A cela s’ajoutent les attaques sur les ports de la région. Le Bénin en a connu 20 en 2011.
Des pirates issus des couches sociales autochtones
Les pirates qui opèrent dans ces eaux sont originaires de l’Afrique. Majoritairement nigérians issus du Delta du Niger, ils sont pour la plupart venus de la couche sociale vulnérable. Des laissés pour compte à qui la gestion des recettes, en proie à la corruption, issues de l’exploitation pétrolière et gazière dans leurs régions n’a apporté le moindre épanouissement social. Une exploitation aux mains des grandes compagnies étrangères telles que Total, avec tous les problèmes de pollution environnementale que cela pose.
Les causes de la piraterie moderne dans le Golfe de Guinée
La pauvreté est, entre autres, la première cause de la piraterie en Golfe de Guinée. En proie au chômage et à la survie quotidienne, les jeunes sont tentés par la recherche de gains bien que risquée afin de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs proches.
À cela, s’ajoute la mauvaise gestion des États, sur fond d’une mauvaise répartition des richesses qui exclut une frange importante de la population, se retrouvant en précarité.
Le faible budget dont disposent les armées nationales, qui ont longtemps moins investi dans leurs marines, favorise aussi la recrudescence du phénomène, en toute aisance sans crainte.
Les efforts des différents pays pour palier à la piraterie dans leurs eaux
Conscients de l’importance de la sécurité maritime pour le développement économique et la stabilité régionale, les États du Golfe de Guinée ne sont pas restés de marbre. Ainsi, du 24 au 25 Juin 2013, a eu lieu à Yaoundé, au Cameroun, un sommet qui a réuni les chefs d’État des pays de la région, la Commission du Golfe de Guinée (CGG), des représentants de l’UE et de l’ONU au terme duquel, un code de conduite pour la prévention et la répression des actes de piraterie en haute mer, la pêche illégale et d’autres formes de criminalité maritime, a été adopté. Il a également été question de la création d’un centre inter-régional de coordination sur les moyens de lutte contre la piraterie maritime au Golfe de Guinée.
Plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest ont augmenté leurs capacités navales et depuis, les exercices navals se multiplient entre ces États et leurs partenaires européens.
C’est à justesse que l’ONU signale en 2022 une baisse des actes de piraterie dans la région par la voix de la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Martha Ama Akyaa Pobee qui affirme que : « Davantage de patrouilles navales des États côtiers et le déploiement accru de navires par des partenaires internationaux ont été dissuasifs ».
Un bilan positif qui doit être soutenu encore à long terme malgré de nombreuses difficultés liées au partenariat avec les puissances occidentales et les insuffisances des marines africaines en haute mer. Déjà, un échec pour de nombreux réseaux de pirates à qui profitent l’insécurité, le trafic de drogue et d’armes.