Les sanctions économiques occidentales ont l’effet inverse. Les gouvernements qui les ont mis en place doivent faire face aux critiques et au mépris des citoyens ordinaires souffrant de l’inflation des produits énergétiques et alimentaires ainsi que de la baisse du niveau de vie. Certains dirigeants occidentaux qui étaient au pouvoir lorsque les sanctions ont été mises en place sont contraints de démissionner sous de faux prétextes tandis que d’autres commencent à voir la pression monter sur eux pour qu’ils fassent de même. Néanmoins, les États profonds occidentaux n’ont pas l’intention de revenir en arrière sur leur politique de sanctions anti-russes.
En théorie, les États sont membres de la communauté internationale mais jouissent aussi individuellement de la liberté de choisir leur politique en fonction de leurs propres intérêts. Pour ce faire, un État doit clairement connaître ses intérêts et avoir la liberté de les poursuivre.
Premièrement, cette capacité implique la distinction entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, ce qui est fiction et ce qui ne l’est pas, ce qui est réalisable et ce qui ne l’est pas. De l’Antiquité à l’époque contemporaine, même les empires n’ont pu, ne peuvent ou ne pourront échapper à cette règle du réalisme. Ensuite, cette capacité implique aussi la liberté dont jouit l’État dans la poursuite de ses propres intérêts. Lorsqu’un État est incapable de poursuivre ses propres intérêts, soit il n’en a pas la peine conscience, soit il n’est pas capable de les poursuivre même s’il les connaît très bien. Quoi qu’il en soit, l’incapacité d’un État à appréhender quels sont ses propres intérêts ou le manque de liberté pour poursuivre ses intérêts, bien que cet État puisse en avoir la pleine conscience, ne peut qu’aboutir à des échecs.
Les États ne peuvent pas se montrer schizophrénique en faisant deux choses opposées : par exemple, acheter du gaz, du pétrole ou du blé russes et les interdire en même temps. Néanmoins, la schizophrénie est observée depuis un certain temps dans le monde. L’Occident prend des décisions afin d’étrangler l’économie de la Russie en interdisant son gaz, son pétrole et son blé, mais en même temps, lorsque la Russie commence à couper ses approvisionnements, les dirigeants occidentaux crient au chantage. Lorsque les États sont incapables de prendre des décisions claires pour leur avenir, les difficultés économiques comme celles auxquelles tout le monde est confronté dans le monde ne peuvent en être que les conséquences. Cela conduit à s’interroger soit sur la compétence des dirigeants du monde, soit sur leur liberté de décider pour les intérêts de leur pays. Il n’est pas non plus exclu qu’ils n’aient ni la prise de conscience nécessaire des intérêts de leur pays ni la liberté de les poursuivre.
Il en va de même lorsque les États pensent qu’ils peuvent vaincre militairement la première puissance nucléaire qui possède plus de six mille ogives nucléaires. Il faut se demander s’ils sont conscients de ce qui est dans leur intérêt ou s’ils en sont conscients mais ne peuvent pas faire autrement que de les ignorer.
Il est donc difficile pour les citoyens ordinaires de comprendre ce qui se passe et cela ne peut que les faire penser à un gouvernement de l’ombre qui, au-delà des gouvernements nationaux, a un tout autre agenda qui n’a rien à voir avec les intérêts du peuple. Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne et des sanctions occidentales contre la Russie, la plupart des gouvernements européens sont critiqués chez eux en raison des difficultés économiques que leur politique cause aux citoyens ordinaires. Certains gouvernements tombent même apparemment à cause de cela. Le président français Emmanuel Macron n’a pas pu s’assurer la victoire aux dernières élections législatives. Il est contraint de gouverner avec un parlement où il n’a pas de majorité claire pour prendre des décisions. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a été contraint de démissionner malgré sa popularité. Le Premier ministre italien Mario Draghi a également démissionné malgré l’opposition du président italien à cela. Aux États-Unis d’Amérique, l’élection de mi-mandat devrait être perdue par les démocrates au profit des républicains. Mais toujours, que ce soit en Amérique ou en Europe, la volonté de continuer à ne jamais rechercher un compromis avec la Russie reste intacte. On dirait qu’il y a un pouvoir au-delà du leur qui les oblige à tirer dans les pieds des gens ordinaires et donc dans leurs pieds à eux-mêmes.
Est-ce ainsi que fonctionne la démocratie?
Comment rendre la démocratie plus forte en rendant les vies de l’électorat ou des électeurs plus misérables économiquement ou susceptibles d’être détruites par l’anéantissement nucléaire ?
Cependant, c’est le récit officiel au sein de l’establishment dans tous les grands pays occidentaux. Mais l’économie russe ne s’effondre pas. Son président Vladimir Poutine n’est ni impopulaire ni malade. L’armée ukrainienne ne gagne pas. L’élite occidentale des oligarques, des journalistes, des universitaires, des politiciens, des agents de renseignement et d’autres semblent pourtant être pleinement attachés à un récit où la Russie serait sur le point de tout perdre malgré les faits qui les contredisent. Il est difficile de dire ce qui se passe.